Rencontres
jazz-rock mais pas seulement.
Exercice de haute voltige avec Mue et son premier album «Rencontres»; autant d’excellence musicale et poétique dans un seul opus, on ne le rencontre plus guère de nos jours dans le paysage du rock progressif.
Les six intervenants sont tous des musiciens confirmés au bagage aussi lourd que celui d’un voyageur de l’Orient-Express.

Mue est le projet de Sylvain Jamault, chef de cet orchestre assemblé pour ces «Rencontres» dignes parfois d’un Zappa et je pèse mes mots, moins lourds que leur bagage technique, bien entendu. 1er prix de guitare classique au Conservatoire de Rennes en 2001, il fonde Abkahn pour un unique album en 2002, «And people say». Guitariste et chanteur, c’est un admirateur des King Crimson, F. Zappa, Magma, Stravinsky et Debussy.

Ses cinq compères ne sont pas des manches non plus, même si celui d’Étienne Callac, le bassiste, a accompagné quelques grands noms tels G. Moustaki, B. Fontaine et, plus près de nos affections musicales, Pip Pyle (Gong/Hatfield & the North), Rido Bayonne (Spheroe), Faton/Cahen… Le batteur Nicolas Hild a frappé derrière Alan Stivell entre autres. Tous ont déjà de belles aventures musicales derrière eux avec divers ensembles, tous styles confondus.
 
Mue c’est avant tout une formation où le chanteur n’en est pas un au sens littéral du terme. Il parle oui, ou comme on dit de nos jours, il slamme. À ce sujet, l’opus commence par «Le Banquet» divisé en deux parties, la une a fait bondir mon petit cœur dans sa cage thoracique et vous allez dire que je n’ai qu’Ange à la bouche mais si cette intro slammée donc (!) ne vous fait pas penser au monologue halluciné de «Caricatures», je suis damné… Je songe aussi à Athanor, groupe français oublié qui m’avait procuré cette même impression. Diction claire et nette, description cinématique, tout y est pour cette illusion éphémère.
Mais il y aussi ce piano omniprésent, joué par Louise Gravez, qui évolue autour de l’ensemble avec la grâce d’un papillon, tantôt soutenant l’effort général, tantôt devançant le tout avec une souplesse naturelle. Pour souligner ce piano, il y a le précieux vibraphone de Léo Laurent, instrument peu usité mais d’une allégeance précieuse à la tonalité globale de l’album. La guitare d’Alix Caillebot, si ce n’est celle de Sylvain Jamault, retourne l’échoppe de Fripp comme certaines tournures y font songer, rhabillant l’opus pour l’hiver…
 
Parfois, cette musique néo-classique colorée d’un jazz incertain, cabote, guère éloignée des rivages de Zappa comme je l’ai dit plus haut mais avec cette mélancolie sous-jacente dont ne témoignent jamais ou si peu les œuvres zappaiennes. 
«Rencontres» signe la filature et la filiation de tous ces géniaux artistes français dévoués au jazz-rock des années 70 mais une modernité bien logique en prime, le morceau éponyme qui clôt le disque en est un bel exemple, ses 10:37 sont un vrai bonheur dans le genre où toutes les qualités et les idées développées jusque-là arrivent à un point d’épure absolument jouissif!
Voici donc une belle calotte délivrée sur l’occiput des auditeurs enivrés par tant de virtuosité…
Commode